Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/172

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feuillages monstrueux et féroces, faisant éclater leurs calices comme des bombes de parfums et de couleurs, et palpiter les pétales de leurs fleurs comme les ailes des papillons de Cachemyr.

Les deux laquais basanés déposèrent Volmerange, toujours endormi, sur un divan, et se retirèrent en silence, n’ayant pas l’air autrement surpris de l’arrivée de ce personnage, que sans doute ils voyaient pour la première fois.

Il y avait déjà quelques minutes qu’il reposait, toujours sous l’influence du narcotique, et personne ne paraissait.

La pièce où il avait été déposé offrait dans son ameublement d’une simplicité élégante quelques particularités qui eussent pu guider les suppositions de l’observateur ; une fine natte indienne recouvrait le plancher, et sur la cheminée se contournait une idole de la Trimourti mystique représentant Brahma, Wishnou et Shiva ; un bouclier de peau d’éléphant, un sabre courbe, un krick malais et deux javelines formaient trophée le long de la muraille. Ces détails caractéristiques, et moins bizarres à Londres que partout ailleurs, semblaient indiquer la demeure d’un nabab enrichi à Calcutta ou d’un civilien haut employé de la Compagnie des Indes.

Bientôt une portière de brocard se souleva et donna passage à une figure étrange : c’était un vieillard de haute taille, un peu courbé, qui s’avançait en s’appuyant sur un bâton aussi blanc que l’ivoire : sa face maigre desséchée et comme momifiée, avait la teinte du cuir de Cordoue ou du tabac de la Havane ; de larges orbites de bistre