Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/176

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fums brûlés sur les cassolettes aux quatre coins de la salle, et donnait à cette salle, déjà surprenante par elle-même, un aspect tout à fait féerique ; derrière cette gaze vaporeuse, les ors, les grenats, les cristaux, les saillies des sculptures, avaient des phosphorescences et des illuminations subites de l’effet le plus bizarre. Un morceau de bas-relief frisé par la lumière semblait se mettre en marche ; une colonne pivote sur elle-même et se tord en spirale, et soit que les aromes des fleurs exotiques, jaillissant des grands vases, eussent un effet vertigineux, soit que les parfums des cassolettes continssent quelques-unes de ces préparations enivrantes dont l’Inde a l’habitude et le secret, au bout de quelques minutes tout prenait, dans cette salle fouillée en pagode, la physionomie indécise et changeante des objets entrevus dans le rêve.

Le personnage bizarre dont nous avons tout à l’heure esquissé les traits venait de reparaître après une courte absence, mais il était débarrassé de ses habits noirs et de sa défroque européenne ; un turban artistement roulé avait remplacé sur son crâne rasé la perruque de chiendent ; deux lignes blanches faites avec la poussière consacrée rayaient son front fauve ; un anneau de brillants scintillait suspendu à sa cloison nasale ; une robe de mousseline descendait de ses épaules à ses pieds avec des plis droits auxquels le corps qu’ils recouvraient n’imprimait pas la moindre inflexion, tant était grande la maigreur du vieillard.

Cette tête cuivrée entre ce gros turban et cette longue robe blanche produisait le contraste le plus