Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/175

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des grenats, soutenaient un plafond fouillé, ciselé, découpé, écartelé de mille caissons pleins de fleurs, d’étoiles, d’ornements fantastiques et touffus comme la voûte d’une forêt.

Sur les murailles courait une frise contenant les principaux mystères de la théogonie indienne : on y voyait taillé tout un monde de dieux à trompes d’éléphant, à bras de polype, tenant à la main des lotus, des sceptres, des fléaux ; des monstres, moitié hommes, moitié animaux, aux membres feuillus et contournés en arabesques, symboles mystérieux de profondes pensées cosmogoniques. Malgré leur raideur hiératique et la naïveté enfantine de leur exécution, ces sculptures avaient une vie étrange, les complications de leurs enlacements les faisaient fourmiller à l’œil, et leur donnaient comme une espèce de mouvement immobile.

De larges portières de damas broché d’or tombaient à plis puissants, et remplissaient l’interstice des colonnes.

Un tapis, que ses dessins compliqués et ses palmettes de mille couleurs faisaient ressembler à un châle de cachemire, tissu pour les épaules d’une géante, couvrait le plancher de sa moelleuse épaisseur.

Autour de la salle régnait un divan bas, couvert d’une de ces étoffes merveilleuses où l’Inde semble attacher avec de la soie les nuances brillantes de son ciel et de ses fleurs.

Un jour doux et laiteux, tamisé par des vitres dépolies, versait à ces magnificences asiatiques des lueurs vagues estompées encore par un imperceptible nuage de fumée bleuâtre provenant des par-