Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/189

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au tronc d’un amra ; son charmant visage, rapproché de celui du comte, semblait dire, par l’éclair mouillé des yeux et la grâce compatissante du sourire, combien son beau cousin d’Europe eût été avec elle à l’abri d’un semblable malheur.

Pour toute réponse, Volmerange pencha sa tête sur l’épaule de Priyamvada, qui bientôt la sentit trempée de larmes.

— Eh quoi ! dit Priyamvada en essuyant d’un chaste baiser les larmes aux paupières de Volmerange, une de ces capricieuses femmes du Nord, plus changeantes que les reflets de l’opale ou la peau du caméléon, aurait-elle trompé le gracieux seigneur, comme s’il pouvait avoir son égal dans la nature, car un homme de la race des dieux ne pleure que pour une trahison ?

— Oui, Priyamvada, j’ai été trahi, indignement trahi, s’écria Volmerange, ne pouvant plus contenir ce secret fatal.

— Et j’espère, répondit Priyamvada du ton le plus tranquille, le plus musical, que mon cher seigneur a tué le coupable ?

— La Tamise a caché et puni sa faute.

— C’est un châtiment bien doux ; dans mon pays, le pied de l’éléphant se fût posé sur cette poitrine menteuse et y eût lentement écrasé le cœur de la perfide ; ou bien le tigre eût déchiré comme un voile de gaze ce corps souillé d’un autre amour, à moins que le maître n’eût préféré enfermer la criminelle dans un sac avec un nid de cobra-capello. Que ce souvenir s’efface de votre esprit comme un petit nuage balayé du ciel, comme un flocon d’écume qui se fond dans l’Océan ;