Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/190

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oubliez l’Europe et venez dans l’Inde où les adorations vous attendent. Là, sous un climat de feu, on respire des brises chargées d’enivrants parfums ; les fleurs géantes ouvrent leurs calices comme des urnes ; le lotus s’étale langoureusement sur les tirthas consacrés ; dans les forêts et dans les prés croissent les cinq fleurs dont Cama, le dieu de l’amour, arme les pointes de ses flèches ; le tchampaca, l’amra, le kesara, le ketaca et le bilva, qui toutes allument au cœur un feu différent, mais d’une ardeur égale ; les chants plaintifs des cokilas et des tchavatracas se répondent d’une rive à l’autre ; là un regard attache pour la vie ; la femme aime au-delà du trépas, et sa flamme ne peut s’éteindre que dans les cendres du bûcher : c’est là qu’il faut vivre, c’est là qu’il faut mourir pour un unique amour. Oh ! viens là-bas, cher maître, et dans les bras et sur le cœur de Priyamvada s’évanouira bientôt, comme le songe d’une nuit d’hiver, ce long cauchemar septentrional que tu as cru être la vie !

L’Indienne, se croyant déjà sans doute revenue dans sa patrie, attirait Volmerange sur son sein, où frémissaient les colliers d’or, où les perles s’entrechoquaient soulevées par sa respiration saccadée. Ainsi enveloppé, enlacé par les caresses hardiment virginales de cet être aux passions naïves et chastes comme la nature aux premiers jours de la création, Volmerange éprouvait un trouble profond et sentait des vagues de flamme lui passer sur le visage ; son bras, sans qu’il en eût la conscience, se ferma de lui-même sur la taille cambrée de Priyamvada.