Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/200

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— Dolfos, dit le comte, je sais tout, n’essaie pas de nier : tu m’appartiens, suis-moi.

Le misérable tâcha de se débarrasser de l’étreinte de cette main nerveuse, mais il ne put y réussir.

— Faut-il que je te soufflète en pleine rue, comme un lâche, pour te forcer à te battre ? poursuivit Volmerange : j’ai le droit de t’assassiner, et pourtant je risquerai ma vie contre la tienne, comme si tu étais un homme d’honneur. Séduire une femme, cela se conçoit, l’amour excuse tout ; mais la perdre dans un but de calcul et de haine, l’enfer n’a rien de plus monstrueux et de plus abominable. Tu m’as fait meurtrier, il faut que je te tue. Je te dois à l’ombre d’Edith.

— Eh bien, oui, je vous suivrai, répondit Dolfos, mais desserrez ces doigts qui me brisent le poignet.

— Non, répondit Volmerange, tu te sauverais.

Une voiture passa, le comte l’appela, et y fit monter devant lui Dolfos, blême et tremblant.

— Menez-nous, dit le comte, à ***.

C’était une petite maison de campagne, un cottage que le comte possédait aux environs de Richmond.

Le trajet, quoique rapide, parut long aux deux ennemis : Dolfos, rencogné dans un angle de la voiture, semblait une hyène acculée par un lion. Volmerange le couvait d’un œil sinistre et flamboyant ; il était calme et Dolfos agité.

Enfin on arriva à la porte du cottage : un vieux serviteur était chargé de la garde de cette maison,