Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/210

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lui fut sans doute favorable, car Sidney se leva avec la même politesse respectueuse que s’il eût été dans un salon. Il lui prit la main par le bout des doigts, et lui dit, en la conduisant vers le divan garni de coussins qui occupait le coin de la cabine :

— Madame, daignez vous asseoir ; vous paraissez faible et souffrante, et pour qui n’a pas le pied marin, il n’est pas facile de rester debout.

En effet, la Belle-Jenny, la bride sur le cou, faisait des foulées dans la mer comme un cheval fougueux, et le niveau du plancher se déplaçait à chaque instant.

Conduite par Sidney, Edith se laissa tomber plutôt qu’elle ne s’assit sur le divan.

Il y eut un instant de silence que rompit Sidney de sa voix harmonieuse et calme, rendue plus douce par un accent de pitié.

— Je ne vous demanderai pas, madame, si c’est un crime ou un désespoir qui vous a précipitée dans la Tamise par cette affreuse nuit de tempête : un miracle a fait passer à côté de vous une barque remplie de gens qui se hâtaient dans l’ombre vers une œuvre mystérieuse. Vous êtes tombée du ciel au milieu de leur secret : par le coup de théâtre le plus imprévu, vous avez déjoué les précautions les mieux prises, et vous avez vu ce que nul ne doit voir ni redire ; un coup de rame vous rendait au gouffre. Mes hommes n’attendaient qu’un signe.

— Oh ! pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? interrompit Edith, en portant ses mains diaphanes à ses yeux rougis.

— Je ne l’ai pas fait, continua Sidney, car quel-