Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/224

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Sous le regard d’admiration de Sidney et de Benedict, miss Edith sentit monter une faible rougeur à ses joues décolorées : la femme renaissait en elle.

— Vous êtes charmante ainsi, ne put s’empêcher de dire Sidney ; maintenant, vous allez descendre à terre avec Benedict. Vous serez sa sœur ou sa femme : sa femme vaut mieux, j’y pense, et c’est ce titre que vous porterez. Vous prendrez une maison de ville à James-Town, et une maison de campagne aussi près de Longwood que possible ; plus tard Benedict vous dira ce que vous aurez à faire.

— J’obéirai, répondit la jeune femme troublée par cette idée de passer pour la femme de Benedict et de vivre seule, sous le même toit, avec un homme jeune et beau ; puis, par une de ces humilités des âmes pures, toujours injustes pour elles-mêmes, elle se dit qu’elle n’avait pas le droit de trouver cette situation équivoque, et qu’après tout la maîtresse de Xavier ne devait pas avoir tant de scrupules.

— Allons, dit Sidney en prenant Edith par la main et en la conduisant à sir Benedict Arundell, jeunes époux, il est temps de partir ; le canot attend, les rames parées. Puis souriant de ce sourire plein de sérénité qui lui était propre, il dit à son ami : Avoue que si je t’ai ôté une femme, je t’en rends une qui n’est pas moins belle.

Benedict pâlit à cette phrase, peut-être maladroite de Sidney ; mais il se contint, car il savait que rien n’était plus éloigné de la pensée d’Arthur qu’une raillerie même la plus innocente ; et regar-