Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre déférence sur les coussins de drap vert pur Lincoln.

— Où allons-nous, maître ? demanda le postillon.

— Sortons d’abord du village, et je vous dirai ensuite quelle route il faut prendre, répondit Jack, qui ne se souciait sans doute pas de faire savoir à maître Geordie et aux quelques oisifs amassés pour assister au départ de la berline le véritable but de son voyage.

Quand on fut sorti du village, Little-John, se retournant vers la berline, dit à Jack :

— Maître, faut-il prendre la route de Londres ?

— Non pas, mon garçon, répondit Jack ; vous allez me faire le plaisir de longer la côte jusqu’à ce que je vous dise de vous arrêter.

Little-John, assez étonné, poussa ses chevaux dans cette direction sans témoigner cependant sa surprise, car maître Jack, quoiqu’il fût facétieux à ses heures, avait, il faut l’avouer, la mine en général rébarbative et peu rassurante.

— Sans doute, se dit Little-John, il s’agit de l’enlèvement de quelque jeune demoiselle qui, d’un château ou d’un cottage voisin, fera semblant de venir regarder la mer et dessiner les horizons, et qui ne fera qu’un saut de terre dans la voiture. J’aime beaucoup les enlèvements, car les amoureux qui se sentent des parents ou des tuteurs aux trousses paient en général fort bien : pourtant ce gaillard-ci n’a guère les apparences d’un séducteur.

L’on suivit pendant quelques milles le rivage,