Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/237

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trident, et un collier de têtes de mort lui descendait sur la poitrine. À côté de lui, Durga, sa hideuse épouse, roulait ses yeux louches, faisait grincer ses dents d’hippopotame, crispait ses mains griffues, et, tordant son corps ceint de serpents, écrasait le monstre de Mahishasura, qui tâchait de l’envelopper dans ses immondes replis.

Encastrées dans les murailles, grimaçaient une foule d’images effroyables symbolisant la lutte ou la destruction. Ici le monstrueux Mana-Pralaya, à la tête bestiale, avalait une ville dans sa gueule énorme ; là Arddha-Nari, avec son chapelet de crânes et de chaînes, agitait férocement son glaive ; plus loin, Maha-Kali tenait une tête coupée à chacune de ses quatre mains ; Mahadeva, à qui un fleuve sort du cerveau et dont les bracelets sont faits de vipères, luttait avec le difforme Tripurasura ; Garuda faisait palpiter ses ailes, aiguisait son bec de perroquet et ses serres d’aigle.

C’était tout ce que permettait de distinguer la lampe suspendue devant la statue de Shiva ; dans les profondeurs de la salle, baignées d’une ombre rougeâtre, l’œil ne pouvait, hors du cercle lumineux, saisir que des formes vagues, des enlacements inintelligibles, un mélange affreux de bras, de jambes, de têtes de dragons et de monstres de toute espèce.

Dans le disque éclairé se tenaient accroupis sur des peaux de tigre ou de gazelle des êtres bizarres et fantastiques : leurs sourcils blancs et leurs barbes blanches faisaient ressortir la couleur foncée de leur teint. Le cordon brahminique qui pendait à leur cou indiquait leur caste ; quelques-uns, plus