Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/250

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Quelques minutes après il interrogeait encore l’horizon.

Sur le sommet de la roche, l’arbre persistait dans son opiniâtre silhouette.

— Hélas, se disait Sidney, sans doute la phrase convenue n’a pu être échangée, et cette entreprise, menée avec tant de soin et de prudence, va échouer au moment de la réussite. Et, par un mouvement d’impatience fébrile, il se promenait à grands pas sur le tillac.

Il monta sur la dunette et regarda une dernière fois.

La cime de la roche découpait son arête anguleuse et chauve dans la clarté du ciel ; l’arbre n’était plus à sa place !

Cette circonstance si simple, qui, pour Sidney, répondait à un monde d’idées et de projets, lui fit une telle impression, malgré son sangfroid et sa fermeté d’âme, qu’il fut obligé de s’appuyer sur le bordage : une pâleur mortelle couvrit sa belle figure ; mais bientôt il se remit et descendit dans sa cabine d’un pas ferme.

Là, il écrivit sur une feuille d’épais parchemin comme une espèce de testament qu’il enferma dans une forte bouteille de verre ; cela fait, il cacheta la bouteille avec une capsule de plomb et la mit dans le canot qu’il avait fait construire sur la côte d’Afrique par le charpentier du navire, sur le petit modèle dont nous avons parlé.

Lorsque la nuit fut venue, il ordonna de mettre le canot à la mer.

Saunders et Jack prirent chacun un aviron,