Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/266

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À ce témoignage de sympathie, les larmes de Sidney, qui ne demandaient qu’à jaillir, se firent jour avec impétuosité à travers les doigts de la main restée libre, dont il s’était couvert les yeux.

Benedict entra dans ce moment et expliqua à Sidney comment il ne s’était pas trouvé au rendez-vous : il avait été interrogé et retenu à cause des soupçons éveillés par ses démarches. La mort de l’empereur et l’absence de toutes preuves l’avaient fait relâcher aussitôt.

Ces explications, Sidney ne les écoutait guère. Elles n’avaient désormais plus de but.

Il resta encore deux jours dans l’île, et voulant se rassasier de sa douleur jusqu’au bout, il suivit le cortège funèbre dans la vallée du Fermain où descend du pic de Diane ce ruisseau qui plaisait à l’empereur et où s’inclinent les saules dont les feuilles sacrées se sont éparpillées depuis sur l’univers. Il regarda les soldats anglais porter le cercueil sur leurs épaules, il le vit descendre dans la fosse maçonnée, et ne se retira que lorsque la pierre étroite et longue se fut abaissée sur la noire ouverture.

Par tous ces détails funèbres attentivement suivis, il voulait se convaincre de la réalité de son malheur : il avait peur de croire, dans quelque temps, que l’empereur n’était pas mort ; il sentait déjà cette chimère lui naître dans l’esprit, bien qu’il l’eût vu mort sur son lit de parade et qu’il eût touché sa main glacée ; il voulait avoir à opposer à son rêve l’image des funérailles et du tombeau.

Comme il remontait la colline du côté d’Huts-