Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/267

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gate, il se retourna une dernière fois pour voir, sous le pâle ombrage des saules, la pierre neuve et blanche, et dit :

— Mon âme est enterrée avec ce corps.

Au même moment, un homme vêtu de deuil et parlant anglais avec l’accent de France tendit un papier à Sidney et lui dit :

— De la part de celui qui n’est plus, prenez ceci.

Sidney ouvrit l’enveloppe cachetée de noir.

Elle contenait une petite mèche de cheveux soyeux et fins, et un billet où étaient écrits ces mots :

« Consolez-vous, nul ne peut prévaloir contre Dieu. N. »

Quand Sidney releva les yeux, l’homme qui lui avait remis le papier avait disparu.

Sir Arthur Sidney s’assit sur le revers de la colline et tomba dans une rêverie profonde. Quand il se releva, sa figure avait repris une expression plus calme ; un changement s’était opéré dans son esprit. Il retourna chez Benedict et lui dit :

— Pardon, ô toi que j’ai détourné du bonheur pour t’associer à mon œuvre chimérique, je te rends ton serment ; et il tira de son portefeuille la feuille jaunie qu’il déchira et jeta aux pieds de Benedict. Retourne en Europe, tu es libre, aucun lien ne te rattache plus à notre association mystérieuse. suis la pente de ton cœur, sois heureux ! Ne cherche pas à raturer le livre du destin ; d’autres mains que les nôtres tiennent les fils des événements, et peut-être ce qui nous paraît injuste est-il l’équité suprême ! Quant à moi, le char de ma vie est sorti