Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/27

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cieusement Jack, et ce n’est pas sans raison qu’on nous a mis ici et qu’on m’a fait acheter une berline à ce damné Geordie.

— Dieu me pardonne, Jack, s’écrie Mackgill ; voilà qu’on met les pommes de girouette à tous les mâts. — Il n’y a plus maintenant sur la Belle Jenny de quoi se faire un mouchoir de poche. Toute la toile est employée.

— Quoique, Dieu merci ! je ne craigne pas l’eau, à l’extérieur du moins, je préfère en ce moment avoir mis mes pieds sur ce roc que sur le pont du capitaine Peppercul.

À ce surcroît de voiles, les mats se courbèrent comme des arcs ; le taille-mer de la proue disparut presqu’entièrement sous la pression du vent, et une longue fusée d’eau écumeuse jaillit sur le pont comme ces rubans de bois qui s’élancent par le trou d’un rabot vigoureusement poussé.

— Toute la mâture va tomber sur le bastingage, dit Mackgill intéressé au plus haut point.

Rien ne bougeait, et le navire, emporté comme un tourbillon, arriva tout près de la falaise ; et, déshabillé en un clin-d’œil de la toilette qui le couvrait, il s’arrêta, montrant à nu son gréement fin et délié.

Un canot se détacha des flancs de la Belle Jenny, et en quelques coups d’aviron amena à terre un homme qui paraissait en proie à la plus vive impatience.

Une demi-heure de retard, murmura-t-il en prenant terre et en regardant sa montre. Où est la voiture ?