Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

romans qui n’admet qu’un amour unique, éternel, mais ceci n’est pas un roman ; miss Amabel Vyvyan, qui avait sincèrement cru que, Benedict disparu ou mort, elle ne pourrait jamais aimer personne, fut toute surprise lorsqu’elle sentit battre ce cœur qu’elle pensait à tout jamais éteint sous la cendre d’une première déception. Le nom du comte de Volmerange annoncé par le valet de chambre avait toujours le privilége de faire monter un peu de rose aux joues de camélia de miss Amabel.

Le soir, lorsqu’après deux ou trois heures de charmante causerie avec Volmerange elle noyait sa tête dans son oreiller de point d’Angleterre, et se livrait à ce petit examen de conscience que fait avant de s’endormir toute jolie femme sur les coquetteries de la journée, elle trouvait qu’elle avait répondu par un regard indulgent à une œillade ardente, disserté trop longtemps sur des points de métaphysique amoureuse, et pas retiré assez vite ses doigts de la poignée de main d’adieu. Lorsqu’elle était tout à fait endormie, ses rêves étaient hantés plutôt par l’image de Volmerange que par celle de Benedict.

Les deux couples de Sainte-Margareth avaient fait un chassez-croisez physique et moral, et par une espèce de symétrie bizarre, lorsque Benedict aimait Edith, miss Amabel Vyvyan aimait Volmerange, qui le lui rendait. Le hasard, dans ces combinaisons renversées, semblait se faire un jeu de contrarier la volonté humaine. Aucune union projetée ne s’était accomplie, nul serment juré n’avait été tenu.

Les caractères en apparence faits pour s’enten-