Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/291

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ment. Mais le châtiment de quoi ? de l’innocence sans doute ? à moins que l’innocence ne paie la rançon du crime, par une loi de réversibilité dont la raison nous échappe.

Les deux visites de Benedict et de miss Edith n’avaient pas eu un résultat heureux et leur expérience avait tourné comme la plupart des expériences philosophiques.

Arrivé au terme de cette histoire, ou, pour mieux dire, de l’épisode que nous en pouvions raconter, nous sentons le besoin d’élucider par quelques explications générales les portions de ce récit qui, sans cela, resteraient peut-être obscures.

Dans les dernières années de l’Empire, des amitiés contractées au collége, des relations nouées dans le monde ou ailleurs, des goûts pareils pour les travaux et les plaisirs, une certaine conformité audacieuse de pensée, des coups de fortune bizarres avaient réuni en Angleterre des hommes de divers pays, de divers rangs, mais tous esprits supérieurs, volontés bien trempées et remarquables chacun dans leur genre.

Une sorte de franc-maçonnerie involontaire n’avait pas tardé à s’établir entre eux : ils se reconnaissaient dans le monde et se disaient dans l’embrasure d’une fenêtre de ces mots rapides qui résument tout et contiennent une philosophie dans un sourire imperceptible, dans un léger haussement d’épaules : beaucoup parmi eux étaient riches, d’autres puissants ; ceux-ci possédaient l’audace, ceux-là l’habileté ; quelques-uns étaient grands poëtes ou profonds politiques.

Les amusements ordinaires d’un club, le vin,