Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/292

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les cartes, les chevaux et les femmes, ne pouvaient suffire à des gens pareils, blasés sur les émotions de l’orgie et du jeu, et dont plusieurs auraient pu montrer des listes de noms plus longues et mieux choisies que celle de Don Juan.

Ils cherchèrent donc un but à leur activité, et voici ce qu’ils trouvèrent : la victoire de la Volonté sur le Destin.

Constitués en une espèce de tribunal secret, ils citèrent à leur barre l’histoire contemporaine, se donnant pour mission de casser ses arrêts lorsqu’ils n’étaient pas jugés justes. En un mot, ils voulurent refaire les événements et corriger la Providence.

Ces joueurs intrépides, plus hardis que les Géants et les Titans de la fable, essayèrent de regagner contre Dieu les parties perdues sur le tapis vert du monde, et s’engagèrent par les serments les plus formidables à s’entr’aider dans ces entreprises.

Le soulèvement de l’Inde, le rétablissement de Napoléon sur un trône plus élevé, l’affranchissement de l’Espagne, la délivrance de la Grèce, où plus tard Byron, qui faisait partie de cette junte, trouva la mort, tels étaient les plans que ces hommes s’étaient tracés.

Les divers mouvements et révoltes qui eurent lieu vers ces temps-là étaient leur ouvrage. Ils avaient guidé les Mahrattes contre les Anglais, agité la Péninsule, préparé l’insurrection de Grèce, et tenté d’enlever l’empereur, à qui un empire oriental rêvé dans sa jeunesse avait été préparé