Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/65

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dissipé cette mélancolie, répliqua lady Eleanor Braybrooke avec ce sourire équivoque et ridé dont les personnes d’âge ne sont pas assez ménagères.

Un roulement de voitures se fit entendre sous la fenêtre, et bientôt après sir Benedict Arundell parut.

Il était mis avec cette simplicité correcte, cette perfection exquise et n’attirant jamais l’œil qui caractérise le parfait gentleman, et dont les Anglais possèdent seuls le secret : il avait évité le ridicule presqu’insurmontable de l’habit de noce, et cependant il n’y avait dans son costume aucune infraction à la solennité de la circonstance.

Sir Benedict Arundell, suivant l’usage, ne portait ni barbe, ni moustache, ni royale, ni aucun de ces ornements qui hérissent les visages continentaux ; seulement sa figure lisse et polie était entourée de favoris châtains et passés au fer, qu’un artiste, amant du pittoresque, eût trouvés trop réguliers, mais qui eussent assurément obtenu l’approbation de feu Brummel et du comte d’Orsay.

Il avait ces traits d’Antinoüs un peu allongés et refroidis que présentent assez fréquemment les belles races d’Angleterre, et sa tête semblait la copie de quelque dieu grec faite par Wesmacott ou Chantrey.

On n’aurait pu rêver un couple mieux assorti.

Le nuage qui couvrait le front d’Amabel se dissipa à l’aspect de son fiancé. Les yeux bleus de Benedict contenaient assez d’azur pour en faire un