Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/66

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ciel. Une joie pure illumina les traits charmants de la jeune fille, qui tendit sa main aux lèvres de Benedict.

Les yeux gris de lady Eleanor Braybrooke pétillèrent à ce tableau, qui rappelait sans doute une scène analogue, où elle avait joué un rôle, mais déjà enfoncée dans un passé si lointain qu’il fallait assurément une excellente mémoire pour s’en souvenir.

— Voilà pourtant comme nous étions, murmura lady Eleanor, ce brave sir Georges Alan Braybrooke et moi, il y a vingt ans à peu près. — Cet à peu près était assez énigmatique, mais lady Eleanor n’aimait pas à formuler précisément, même à part soi, des dates qui auraient donné le chiffe exact de son âge. Ce rapprochement intérieur ne pouvait être juste que pour la bonne dame, car jeune, elle n’avait pas même eu la beauté du diable, et sir Georges Alan Braybrooke, long, sec, raide, osseux, avec son menton carré et son nez à la Wellington, et sa bouche en estafilade, n’avait jamais ressemblé, même dans le temps de ses amours, à l’élégant Benedict Arundell.

— Allons, mes enfants, il est temps de partir ; le chapelain a déjà dû revêtir son surplis, et les invités arrivent en foule.

Elle monta dans sa voiture avec Amabel, et Benedict prit place dans la sienne avec Williams Bautry, un de ses camarades.

Les cochers poudrés, enrubanés, ornés d’énormes bouquets, la face écarlate et cardinalisée par de nombreuses libations préalables à la santé des futurs époux et de leur descendance, ajustèrent les