Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose de si ferme, dans sa voix un accent si impérieux, que Benedict, hésitant et laissant tomber la main d’Amabel, fit quelques pas du côté de son ami.

— Madame voudra bien pardonner mon insistance, dit Sidney en s’emparant du bras de Benedict avec un sourire d’une grâce affectée, je n’ai qu’une phrase à dire.

Et il entraîna Benedict jusqu’à l’angle de l’église, à l’entrée de la petite rue qui longe un des bas-côtés.

Amabel s’était rassise à côté de sa tante, lady Eleanor Braybrooke, qui grommelait entre ses dents contre cette absurde interruption.

— Je vous le demande un peu, si cela a le sens commun : tomber ainsi des Indes pour intercepter ainsi un marié au seuil de l’église ! Le moment est bien choisi pour débiter des balivernes !

— Sir Arthur Sidney est un original qui ne fait rien comme les autres, répondit Amabel ; Benedict m’a souvent parlé de ses singularités.

— Est-ce qu’un homme bien né doit avoir des originaux pour amis ! répliqua lady Braybrooke du ton le plus majestueusement dédaigneux.

Amabel sourit de l’indignation superbe de sa tante.

— Ce n’est pas moi, continua la douairière, qui de rouge était devenue cramoisie par les flots de colère qui lui montaient à la face, qui aurais permis à sir Georges Alan Braybrooke de me planter là au moment de marcher à l’autel, fût-ce pour l’empire du monde… Mais il paraît qu’elle est lon-