Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/72

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gue, la phrase qu’avait à dire ce Sidney, que Dieu confonde !

La réflexion de lady Braybrooke, Amabel l’avait déjà faite, car elle penchait sa tête couronnée de fleurs virginales à la portière de la voiture, pour voir si Benedict ne revenait pas.

Rien ne paraissait encore à l’angle de l’église, le point le plus éloigné où le brouillard permît à la vue de s’étendre.

La position devenait singulière et ridicule. Amabel et lady Braybrooke, aidées par sir Williams Bautry, descendirent de voiture, et s’abritèrent sous le porche. Sir Williams s’offrit pour aller avertir Benedict et Sidney de l’inconvenance d’un pareil entretien prolongé si longtemps.

Les invités firent cercle, déjà étonnés, autour de miss Amabel Vyvyan, et l’engagèrent à pénétrer dans la nef. Les passants commençaient à regarder avec surprise cette belle jeune fille vêtue de blanc, cette fiancée sans époux, debout sous cette voûte sombre.

En pénétrant dans l’église, Amabel sentit tomber sur ses épaules, à peine abritées par un léger voile de dentelles, un froid humide et claustral ; il lui sembla être enveloppée pour toujours par la fraîcheur du couvent et du sépulcre. Elle eut comme le pressentiment de passer de la lumière dans l’ombre, du bruit dans le silence, de la vie dans la mort. Elle crut entendre se briser dans sa poitrine le ressort de sa destinée.

Williams Bautry revint pâle, consterné, ne sachant quelle expression donner à sa figure.