Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/81

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de ma vie a été commise pour vous. Seul vous avez le droit de me trouver innocente ; ma fortune est considérable ; le nom de ma famille compte parmi les plus honorables de l’Angleterre et n’a jamais été taché que par moi. Cette souillure inconnue, d’un mot vous la pouvez laver. Vous n’avez d’autres ressources que celles que vous donne votre instruction qui vous rend digne d’un rang supérieur à celui que vous occupez. En m’épousant, un monde nouveau s’ouvre devant vous ; de l’ombre, vous passez à la lumière ; votre existence s’agrandit ; vous pouvez déployer dans une vaste sphère les talents que vous possédez. Ce qui était chimère devient désir raisonnable. La politique et la diplomatie n’ont rien de trop haut pour vous.

À mesure qu’Edith parlait, la figure pâle de Xavier se colorait ; ses yeux, qu’il ne pensait plus à voiler, jetaient des étincelles. Il suivait en esprit la jeune fille dans les régions qu’elle lui montrait comme pour le tenter et obtenir de l’ambition ce qu’elle n’avait pu arracher à l’amour ; un moment même il saisit la main d’Edith et la serra avec force ; mais ce mouvement d’enthousiasme n’eut pas de durée ; l’éclair de ses yeux s’éteignit, il ramena sur ses traits ce voile morne qui dérobait les mouvements de son âme, et il reprit d’un ton glacé :

— Vous épouserez tout-à-l’heure M. de Volmerange.

— Votre inconcevable refus ne peut avoir qu’une cause : alors mon malheur n’a plus de remède ; peut-être avez-vous déjà une femme en France ?