Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/99

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hommes, eût au besoin hasardé cette facétie de bon goût.

Si Benedict ne reparaissait pas lui-même, il eût pu écrire, mais nulle lettre, nul billet, rien qui expliquât cette conduite étrange !

Les recherches de la police avaient été infructueuses : le sort de Benedict Arundell restait enveloppé des ténèbres les plus mystérieuses : croire à un assassinat, cela était difficile, puisque Sidney, élevé au collége de Harrow avec Benedict, était son ami de cœur et n’avait aucun motif d’inimitié contre lui. À un enlèvement, à une séquestration ; dans quel but, pour quel motif ? une jalousie d’amant rebuté ? Mais Sidney n’avait jamais vu miss Amabel et aucune rivalité ne pouvait exister entre lui et Benedict.

Le soir venu, la pauvre fiancée rentra dans cette chambre virginale, dont le matin, elle croyait avoir franchi le seuil pour la dernière fois. Ses femmes la déshabillèrent et la placèrent comme un corps inerte dans ce joli nid blanc où avaient voltigé tant de rêves heureux, secouant leurs ailes roses sur le front d’ivoire de la jeune fille.

Elle resta là dans la position où on l’avait mise, sa tête noyée dans ses cheveux, ruisselants comme les flots de l’urne d’un fleuve, sa joue pâle appuyée sur son bras. On eût pu la croire morte, si de temps à autre une larme n’eût roulé sur sa chair, comme une perle sur du marbre.

— Adieu, mon enfant, dit Eleanor Braybrooke voyant que sa nièce gardait un mutisme obstiné, bon espoir !

Un imperceptible mouvement de dénégation fit