Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/117

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qu’un des détenus lui avait prêté la publication de bans qu’avait annoncée Amine !

Il n’y avait plus moyen de douter.

On peut se faire aisément une idée du désespoir mêlé de fureur qui s’empara de Dalberg. Est-il au monde une position plus propre à exciter la rage que d’être retenu prisonnier quand celle qu’on aime va épouser un rival ? C’est à se briser la tête contre les murs, à se pendre aux barreaux de sa fenêtre, ou, si l’on a le génie des évasions comme Latude et le baron de Trenck, à creuser avec une épingle des couloirs souterrains de quatre-vingts pieds de long.

Il admettait, à la rigueur, que Calixte, blessée au vif par l’aventure du médaillon, compliquée de la fatale rencontre à l’Opéra, ne voulût pas lui pardonner et le punît par un exil même éternel. Mais il ne concevait pas qu’elle poussât à ce point l’oubli des souvenirs et des serments. — Il eût peut-être consenti à ne jamais la revoir, pourvu qu’elle n’appartînt pas à un autre.

Cependant il eût joui de sa liberté que le mariage se fût également achevé ; il n’y pouvait apporter aucun empêchement. Son duel précédent le privait de la ressource de provoquer Rudolph, et tout essai de ce genre n’eût abouti qu’à une esclandre inutile. — Le consentement de Calixte à ce mariage rendait toute tentative pour le rompre superflue. — Il ne s’agissait pas ici d’une jeune fille traînée de force à l’autel par les ordres d’un père barbare, puisque mademoiselle Desprez, comme l’avait dit Amine, adorait Rudolph.

Dalberg ne se rendait pas compte aussi nettement que nous le faisons de ces impossibilités ; il lui semblait que, si on lui eût levé son écrou, il aurait trouvé à l’instant décisif quelque moyen suprême, qu’il lui serait venu du ciel quelque illumination subite, et