Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/31

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des spectacles et des soirées, écrite en pénombres violettes. Ses cheveux blonds tournés en boule et arrêtés au coin de ses tempes, car il était trop matin pour qu’elle fût déjà coiffée, permettaient d’apprécier les lignes pures de ses joues que veloutait le duvet de la virginité. Son air modeste et recueilli, ses yeux baissés sans affectation, indiquaient une jeune personne pieuse qui se rend à l’église pour commencer saintement une journée innocente.

Le petit fiacre à stores baissés passa si près de la jeune fille et de sa gouvernante, qu’elles furent forcées de se ranger contre le mur. Une légère rougeur, probablement due à l’émotion, car la roue l’avait presque froissée, colora le front blanc de Calixte, et elle continua sa route vers Saint-Germain-des-Prés d’un pas plus vif.

Calixte et sa gouvernante entrèrent dans l’église, et remontèrent la nef jusqu’à ce qu’elles fussent arrivées à la chaire. C’était là que se trouvait la chaise de Calixte, dont les initiales étaient marquées en clous de cuivre sur le dossier. — Un petit coffre adapté en dessous contenait le paroissien, l’eucologe et les livres de piété à l’usage de la jeune fille.

Elle s’agenouilla après avoir tiré un des livres de la boîte, et se mit à prier en apparence avec ferveur. Cependant, malgré toute la bonne opinion que doit inspirer une jeune fille qui se rend de si bonne heure à l’église, accompagnée de la plus respectable des gouvernantes, il faut dire qu’un papier plié ayant toutes les apparences d’un billet doux se trouvait intercalé entre les feuilles du saint livre ! Calixte ne sembla pas le moins du monde indignée de cette découverte, et glissa avec assez de dextérité le billet entre son gant et sa main.

Autre remarque bien faite pour surprendre : si quelqu’un des convives qui avaient si joyeusement