Page:Gautier - Les Roues innocents.djvu/32

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employé la nuit aux Frères-Provençaux eût pu, par un hasard invraisemblable, se trouver à cette heure matinale dans cette vieille église, au fond du faubourg Saint-Germain ; il eût été frappé de l’étrange ressemblance des traits de Calixte avec ceux du médaillon volé par Amine à Henri Dalberg.

C’étaient bien les mêmes cheveux blonds, le même regard bleu, le même sourire doucement épanoui. Mais comment le portrait d’une jeune fille si dévote reposait-il sur le cœur d’un jeune écervelé, où l’avait été chercher la main impure d’une courtisane ?

La messe achevée, Calixte retourna chez elle d’un pas dont elle avait peine à modérer l’impatience, et que pouvait à peine suivre la vieille gouvernante ; arrivée à la maison, elle monta droit à sa chambre.

Il régnait dans ce nid de colombe un ordre parfait, une propreté extrême. L’ameublement, quoique confortable, était d’une simplicité rigoureuse ; une étoffe bleue unie tendait la muraille ; un tapis blanc, parsemé de bouquets, couvrait le plancher. — Un lit de pensionnaire se cachait au fond, sous ses rideaux blancs. À des cordons de soie étaient suspendues quelques gravures d’après Raphaël ; quelques aquarelles représentant des fleurs, cadeaux et souvenirs d’amies de pension. — L’une d’elles, ayant pour sujet un groupe de coquelicots et de bleuets mêlés à des épis, portait cette inscription ; « Fait en promenade d’après nature, et offert à mon amie Calixte. » Mais la signature, à moitié cachée par le cadre, ne laissait voir que le haut de deux lettres débordant de la ligne, et qui semblaient être un F et un L. Était-ce une maladresse de l’encadreur ou une précaution pour dissimuler un nom qu’il ne convenait pas de faire connaître ? C’est ce qu’il serait difficile de résoudre.

Sur une petite étagère de palissandre, une douzaine de volumes montraient des dos à nervures et des ti-