Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/160

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Il ne s’agissait plus que d’en opérer la réunion, et je crois devoir à la postérité le récit des manœuvres et de la stratégie de Rodolphe pour parvenir à cet important résultat.

Un espace de quatre pouces environ séparait les deux mains ; Rodolphe poussa légèrement avec son coude le coude de madame de M*** : ce mouvement fit glisser sa main sur sa robe, qui heureusement était de soie ; il ne restait plus que deux pouces.

Rodolphe fabriqua une phrase passionnée qui nécessitait un geste véhément, il la débita avec une chaleur très-confortable, et, le geste fait, il laissa retomber sa main non sur sa cuisse, mais dans la main même de madame de M***, qui était tournée la paume en l’air, comme nous avons déjà eu l’agrément de vous le dire plus haut.

Voilà de la tactique ou je ne m’y connais pas, et, à mon avis, notre Rodolphe avait l’étoffe d’un excellent général d’armée.

Il serra légèrement les doigts de madame de M*** entre ses doigts, de manière à lui faire comprendre que ce n’était pas un effet du hasard qui réunissait ainsi leurs deux mains, mais de manière aussi à se pouvoir rétracter si elle s’avisait d’être immodérément vertueuse, ce qui eût pu arriver : les femmes sont quelquefois si étranges !

Madame de M***, qui était de profil, se mit de trois quarts, redressa un peu la tête, ouvrit l’œil un peu plus que de coutume, et arrêta sur Rodol-