Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/161

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phe un regard dont la traduction littérale se réduisait à ceci :

— Monsieur, vous me tenez la main.

À quoi Rodolphe répondit, sans dire un mot, en la serrant davantage, en penchant la tête à droite et en levant la prunelle au plafond, ce qui signifiait :

— Parbleu, madame, je le sais ; mais pourquoi, aussi, avez-vous une aussi belle main ? cette main est faite pour être tenue, il n’y a pas le moindre doute, et mon bonheur sera au comble si…

Un imperceptible demi-sourire passa sur les lèvres de madame de M***, puis elle ouvrit l’œil encore plus, et gonfla dédaigneusement ses narines en roidissant sa main dans la main de Rodolphe sans toutefois la retirer ; de temps en temps elle jetait une œillade vers la porte. Traduction : Oui, monsieur, ma main est très-jolie mais ce n’est pas une raison pour la prendre, quoique ce soit de votre part une preuve de goût que de l’avoir fait ; je suis vertueuse, oui, monsieur, très-vertueuse ; ma main est vertueuse, mon bras l’est aussi, ma jambe aussi, ma bouche encore plus ; ainsi vous ne gagnerez rien ; dirigez vos attaques d’un autre côté. D’ailleurs tout cela appartient à mon mari, attendu qu’il a reçu de mon père cent mille francs pour coucher avec moi, ce dont il s’acquitte assez mal, comme un vrai mari qu’il est et qu’il sera toujours ; donc laissez-moi, ou au moins ayez l’esprit d’aller fermer cette porte, qui est toute grande ouverte ; après, nous verrons.