Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/164

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— Les petits soupers, n’est-ce pas ? répliqua madame de M*** avec un clignement d’œil, dont la traduction libre pouvait être ces deux mots : Monstrueux libertin !

— J’aime prodigieusement les petits soupers, les petites maisons, les petites marquises, les petits chiens, les petits romans et toutes les petites choses de la Régence. C’était le bon temps ! il n’y avait alors que le vice qui se fît en grand, et le plaisir était la seule affaire sérieuse.

— Jolie morale ! dit et ne pensa pas madame de M***.

— Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit… Je veux dire l’habitude de baiser la main aux femmes, fit Rodolphe en attirant à la hauteur de sa bouche la petite main de madame de M***, repliée et cachée dans la sienne ; cela était à la fois galant et respectueux… Quel est votre avis là-dessus ? continua-t-il en appuyant le plus savant baiser sur sa peau blanche et douce.

— Mon avis là-dessus ? Quelle singulière question me faites-vous là, Rodolphe ! vous m’avez mise dans une situation à ne vous pouvoir répondre : si je dis que cette manière me déplaît, j’aurai l’air d’une prude, et, si je l’approuve, c’est approuver en même temps la liberté que vous avez prise, et vous engager à recommencer, ce dont je me soucie assez peu.

— Il n’y aurait aucune pruderie à dire que cela vous déplaît ; il n’y aurait aucun risque à dire le