Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/190

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rencontrer dans son chemin une coquette véritable et un mari encore plus véritable !

De la plus belle situation du monde, n’avoir pu faire jaillir la moindre étincelle de passion : il y avait réellement de quoi se pendre !

Trois heures sonnèrent. Il se rappela que madame de M*** l’avait prié de venir de bonne heure ; il s’habilla, et se dirigea vers la maison de sa princesse ; mais, au lieu de marcher du pas leste et bref d’un amoureux, il allait comme un limaçon, et l’on eût plutôt dit d’un écolier qui rampe à contre-cœur jusqu’au seuil de l’école, que d’un galant en bonne fortune.

Il fut bien reçu : cela est inutile à dire. Au reste, cette entrevue ne différa en rien de la première, sauf les préliminaires qui furent singulièrement abréviés. Rodolphe se comporta très-honorablement pour un homme qui s’était déjà comporté très-honorablement la veille ; cependant nous devons à la postérité de l’informer qu’il y eut plus de dialogue et moins de pantomime, quoique cette substitution n’eût pas tout à fait l’air d’être du goût de madame de M***.

Ce serait ici le lieu de placer une belle dissertation : pourquoi les femmes aiment plus après, et les hommes avant ? Je ne crois pas que cela tienne, comme elles le disent, à ce qu’elles ont l’âme plus élevée et les sentiments plus délicats. Un pauvre diable d’homme, qui a eu ce qu’on appelle une bonne fortune, est souvent bien infortuné, surtout