Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/189

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rodolphe. — Comme vous avez les yeux rouges, Mariette !

mariette. — Moi, monsieur ?

rodolphe. — Oui, vous.

mariette. — C’est apparemment que j’aurai mal dormi, ou que je viens de les frotter.

rodolphe. — On dirait, en vérité, Mariette, que vous venez de pleurer.

mariette. — Pourquoi donc pleurer ? Il ne m’est pas mort de parent, que je sache.

rodolphe. — Ce ne serait pas une raison pour pleurer, bien au contraire. Votre chocolat est détestable, il sent le brûlé d’une lieue à la ronde.

mariette. — J’ai fait de mon mieux.

rodolphe. — Votre mieux est fort mal. Vous n’avez pas mis de sucre dans mon eau.

mariette. — Ah ! mon Dieu ! je n’y avais pas pensé.

rodolphe. — À quoi pensez-vous donc ?

Mariette, levant sur lui ses longues paupières, le regarda avec une expression si indéfinissable de douleur et de reproche, que Rodolphe ne put s’empêcher d’être ému et troublé, et, se repentant de lui avoir parlé avec dureté, lui fit quelques caresses, et lui dit quelques mots qui, dans la bouche d’un maître, pouvaient passer pour des excuses.

Mariette se retira, et Rodolphe, demeuré seul, se prit, tout en tirant les moustaches de son vieux chat, à gémir sur sa malheureuse destinée.

Lui qui s’était bâti d’avance un roman plein de scènes dramatiques et de péripéties sanglantes,