Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/210

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Voyant qu’Albert court toujours, il entre dans sa maison, aussi en colère que Géronte après avoir été bâtonné par Scapin.

Cinq ou six jours se passèrent sans qu’il eût occasion de retourner chez madame de M*** ; il resta chez lui en tête-à-tête avec ses chats et Mariette.

Mariette, qui, depuis quelque temps, paraissait en proie à quelque souffrance morale, avait perdu ses fraîches couleurs et sa belle gaieté ; elle ne chantait plus, elle ne riait plus, elle ne sautait plus par la chambre, et demeurait toute la journée à coudre dans l’embrasure de la fenêtre, ne faisant de bruit non plus qu’une souris. Rodolphe était on ne peut plus surpris de ce changement, et ne savait à quoi l’attribuer. N’ayant rien à faire, et la trouvant d’ailleurs plus intéressante avec sa pâleur nacrée et ses beaux yeux battus, il voulut reprendre avec elle ses anciennes privautés ; car il est inutile de dire que ses conversations fréquentes avec madame de M*** avaient dû singulièrement nuire à ses dialogues avec Mariette. Mais celle-ci, loin de se prêter de bonne grâce aux caresses de son maître, ainsi qu’elle le faisait autrefois, se débattit courageusement, et, lui glissant entre les doigts comme une vraie couleuvre qu’elle était, elle courut se réfugier dans sa chambre, dont elle ferma la porte en dedans.

Rodolphe tenta d’entamer des négociations à travers le trou de la serrure ; mais ce fut une peine perdue, Mariette resta muette comme un poisson. Rodolphe, voyant que ses belles paroles n’aboutis-