Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/219

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autant de péripéties, de tragédies domestiques et de drames intérieurs, qu’il s’en est joué pendant un an à la Porte-Saint-Martin. Des époux, des amants y ont échangé leurs premiers baisers ; des jeunes femmes y ont goûté les joies douloureuses de la maternité ; des enfants y ont perdu leur vieille mère. On a ri et l’on a pleuré, on a aimé et l’on a été jaloux, on a souffert et l’on a joui, on a râlé et l’on est mort entre ces quatre murs : toute la vie humaine dans quelques pieds. Et les acteurs de tous ces drames, pour n’avoir pas le teint cuivré, un poignard et un nom en i ou en o, n’en avaient pas moins de colère et d’amour, de vengeance et de haine, et leur cœur, pour ne pas battre sous un pourpoint ou un corselet, n’en battait pas moins fort ni moins vite. Les dénoûments de ces tragédies réelles, pour ne pas être un coup de poignard ou un verre de poison, n’en étaient pas moins pleins de terreur et de larmes. Je te le dis, ô mon ami, la poésie, toute fille du ciel qu’elle est, n’est pas dédaigneuse des choses les plus humbles ; elle quitte volontiers le ciel bleu de l’Orient, et ploie ses ailes dorées au long de son dos pour se venir seoir au chevet de quelque grabat sous une misérable mansarde ; elle est comme le Christ, elle aime les pauvres et les simples, et leur dit de venir à elle. La poésie est partout : cette chambre est aussi poétique que le golfe de Baia, Ischia, ou le lac Majeur, ou tout endroit réputé poétique ; c’est à toi de trouver le filon et de l’exploiter. Si tu ne le peux pas, demande