Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/218

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albert. — C’est toujours ainsi. Je suis charmé de te voir revenu à des sentiments raisonnables. Je vote des remerciements à Mariette pour cette cure importante.

mariette. — Ce n’est pas sans peine, monsieur Albert, que je l’ai opérée.

albert. — Je le crois, le malade était au plus mal gare : les rechutes !

mariette. — Oh ! j’en aurai bien soin, soyez tranquille.

rodolphe. — N’aie pas peur, ma petite Mariette, tu es trop jolie et trop bonne pour qu’il y ait le moindre danger.

albert. — Ô mon ami ! il faut être bien fou pour sortir de chez soi dans l’espoir de rencontrer la poésie. La poésie n’est pas plus ici que là, elle est en nous. Il y en a qui vont demander des inspirations à tous les sites de la terre, et qui n’aperçoivent pas qu’ils ont à dix lieues de Paris ce qu’ils vont chercher au bout du monde. Combien de magnifiques poëmes se déroulent depuis la mansarde jusqu’à la loge du portier, qui n’auront ni Homère ni Byron ! combien d’humbles cœurs se consument en silence, et s’éteignent sans que leur flamme ait rayonné au dehors ! que de larmes ont coulé que personne n’a essuyées ! que de passions, que de drames que l’on ne connaîtra jamais ! que de génies avortés, que de plantes étiolées faute d’air ! Cette chambre où nous sommes, toute paisible, toute calme, toute bourgeoise qu’elle est, a peut-être vu