Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/223

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très-profond sous cette enveloppe frivole : au cas que vous ne vous en soyez pas aperçu, je vais vous l’expliquer tout au long.

Rodolphe, incertain, flottant, plein de vagues désirs, cherchant le beau et la passion, représente l’âme humaine dans sa jeunesse et son inexpérience ; madame de M*** représente la poésie classique, belle et froide, brillante et fausse, semblable en tout aux statues antiques, déesse sans cœur humain, et à qui rien ne palpite sous ses chairs de marbre ; du reste, ouverte à tous, et facile à toucher, malgré ses grandes prétentions et tous ses airs de hauteur ; Mariette, c’est la vraie poésie, la poésie sans corset et sans fard, la muse bonne fille, qui convient à l’artiste, qui a des larmes et des rires, qui chante et qui parle, qui remue et palpite, qui vit de la vie humaine, de notre vie à nous, qui se laisse faire à toutes les fantaisies et à tous les caprices, et ne fait la petite bouche pour aucun mot, s’il est sublime.

M. de M***, c’est le gros sens commun, la prose bête, la raison butorde de l’épicier ; il est marié à la fausse poésie, à la poésie classique : cela devait être. Il est inférieur à sa femme ; ceci est un sous-mythe excessivement ingénieux, qui veut dire que M. Casimir Delavigne est inférieur à Racine, qui est la poésie classique incarnée. Il est cocu, M. de M***, cela généralise le type ; d’ailleurs, la fausse poésie est accessible à tous, et ce cocuage est tout allégorique.