Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/255

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toute rose de baisers ; l’orgie, secouant sa chevelure parfumée sur ses épaules nues, dansant, chantant, criant, tendant la main à celui-ci et le verre à celui-là ; l’orgie, chaude courtisane, qui fait la bonne à toutes les fantaisies, qui boit du punch et qui rit, qui tache la nappe et sa robe, qui trempe sa couronne de fleurs dans un bain de malvoisie ; l’orgie débraillée, montrant son pied et sa jambe, penchant sa tête alourdie à droite et à gauche ; l’orgie querelleuse et blasphématrice, prompte à chercher son stylet à sa jarretière ; l’orgie frémissante, qui n’a qu’à étendre sa baguette pour faire un poëte d’un idiot, et un idiot d’un poëte ; l’orgie qui double notre être, qui fait couler de la flamme dans nos veines, qui met des diamants dans nos yeux, et des rubis à nos lèvres ; l’orgie, la seule poésie possible en ces temps de prosaïsme ; l’orgie…

Ouf ! voilà une phrase terriblement longue, plus longue que l’amour de ma dernière maîtresse, je vous jure. Ravalons notre salive et reprenons notre haleine. La rosse qui me sert de Pégase est tout essoufflée et renâcle comme un âne poussif.

J’aurais pu la bâtir autrement, comme ceci, par exemple : l’orgie, avec ses rires, avec ses cris, avec, etc., etc., pendant autant de pages que j’aurais voulu ; mais cette forme de phrase, qui florissait la semaine passée, n’est plus déjà de mise celle-ci, et d’ailleurs l’autre est plus échevelée et plus dithyrambique.

Je crois, lecteur, que la partie lyrique de ma des-