Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/301

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Pauvre enfant ! en écrivant ton nom, une larme tremble au bout de mes cils humides. Mon cœur se serre.

Dieu te mette parmi ses anges, douce et bonne créature ! tu le mérites, car tu m’aimais bien, et, depuis que tu ne m’accompagnes plus dans la vie, il me semble qu’il n’y a rien autour de moi.

L’herbe doit croître bien haute sur ta fosse, car tu es morte là-bas, et personne n’y est allé : pas même moi, que tu préférais à tout autre, et que tu appelais ton petit mari.

Pardonne, ô Maria ! je n’ai pu, jusqu’à présent, faire le voyage ; mais j’irai, je chercherai la place ; pour la découvrir, j’interrogerai les inscriptions de toutes les croix, et quand je l’aurai trouvée, je me mettrai à genou, je prierai longtemps, bien longtemps, afin que ton ombre soit consolée ; je jetterai sur la pierre, verte de mousse, tant de guirlandes blanches et de fleurs d’oranger, que ta fosse semblera une corbeille de mariage.

Hélas ! la vie est faite ainsi. C’est un chemin âpre et montueux : avant que d’être au but, beaucoup se lassent ; les pieds endoloris et sanglants, beaucoup s’asseyent sur le bord d’un fossé, et ferment leurs yeux pour ne plus les rouvrir. À mesure que l’on marche, le cortège diminue : l’on était parti vingt, on arrive seul à cette dernière hôtellerie de l’homme, le cercueil ; car il n’est pas donné à tous de mourir jeunes… et tu n’es pas, ô Maria, la seule perte que j’aie à déplorer.