Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/308

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tion que tu ne connais pas ; mes heures, qui te paraissent être si longues, coulent comme des minutes. La bouilloire me chante à demi-voix sa chanson ; la sève qui sort en écumant par l’extrémité des bûches me siffle des airs de chasse ; les braises qui craquent, les étincelles qui pétillent me jouent des duos dont la mélodie échappe à vos oreilles terrestres. Le vent qui s’engouffre dans la cheminée me fredonne des ballades fantastiques, et me raconte de mystérieuses histoires.

« Puis les paillettes de feu, dirigées en l’air par des salamandres de mes amies, forment, pour me récréer, des gerbes éblouissantes, des globes lumineux rouges et jaunes, des pluies d’argent qui retombent en réseaux bleuâtres ; des flammes de mille nuances, vêtues de robes de pourpre, dansent le fandango sur les tisons ardents, et moi, penché au bord de mon palais, je me chauffe, je me chauffe jusqu’à faire rougir mon corset noir, et je savoure à mon aise toutes les voluptés du nonchaloir et le bien-être du chez-soi.

« Quand vient le soir, je vous écoute causer et lire. L’hiver dernier, Berthe vous répétait, tout en filant, de beaux contes de fées : l’Oiseau bleu, Riquet à la houpe, Maguelonne et Pierre de Provence. J’y prenais un singulier plaisir, et je les sais presque tous par cœur. J’espère que, cette année, elle en aura appris d’autres, et que nous passerons encore de joyeuses soirées.

« Eh bien, cela ne vaut-il pas mieux que d’être