Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

VI

RENCONTRE

Un soir, j’entrai, près de l’Opéra, dans un divan où se réunissaient des artistes et des littérateurs ; on y fumait beaucoup, on y parlait davantage. C’étaient des figures toutes particulières : il y avait là des peintres à tous crins, d’autres rasés en brosse comme des cavaliers et des têtes rondes. Ceux-ci portaient les moustaches en croc et la royale, comme les raffinés du temps de Louis XIII ; ceux-là laissaient gravement descendre leur barbe jusqu’au ventre, à l’instar de feu l’empereur Barberousse : d’autres l’avaient bifurquée comme celle des christs byzantins ; le même caprice régnait dans les coiffures : les chapeaux pointus, les feutres à larges bords y abondaient ; on eût dit des portraits de van Dyck, sans cadre. Un surtout me frappa : il était vêtu d’une espèce de paletot en velours noir qui, pittoresquement débraillé, permettait de voir une chemise assez blanche ; l’arrangement de ses cheveux et de son poil rappelait singulièrement la physionomie de Pierre-Paul Rubens ; il était blond et sanguin, et parlait avec beaucoup de feu. La discussion roulait sur la peinture. J’entendis là des choses effroya-