Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/43

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la caricature de Charlet ; mais elle n’est pas à mépriser, mes beaux jeunes mélancoliques, qui faites la cour aux femmes.

Ô vous, qui attaquez une vertu, faites attention aux phases de la lune ; tâchez de savoir s’il y a longtemps ou non que votre déesse a pris un bain ; tâchez de savoir si elle n’a pas de trous à ses bas ce jour-là, cela est plus important que vous ne croyez. Si par hasard elle a remplacé sa jarretière perdue par une ficelle, je vous conseille, en ami, de vous tenir tranquille, car fussiez-vous plus gémissant que la colombe au nid, fussiez-vous Lovelace ou Richelieu, vous perdriez vos peines.

— Il me semble, Roderick, que nous devrions bien tâcher de nous remettre sur nos chaises.

— Pourquoi ? restons par terre puisque nous y sommes : beaucoup de gens devraient suivre notre exemple : le monde n’en irait que mieux.

— Soit, reprit l’autre ; d’ailleurs, cela est plus bachique et plus dévergondé, cela a plus de caractère. Mais il me semble que tu avais commencé une doléance sur ta maîtresse trop vertueuse, et la conversation a furieusement dérivé depuis.

— Mon ami, tu ne peux te faire une idée des tourments que j’endure, ne les ayant jamais éprouvés par toi-même. Ma maîtresse, comme j’ai dit, est la personne la plus confite en vertu qu’il y ait dans toute la chrétienté. Je ne me souviens pas de lui avoir entendu dire oui à quelque chose. Certainement, c’est une belle fille ; ses cheveux sont blonds