Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/60

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vées, et surtout le point visuel, tout cela se représenta à sa mémoire avec un air fantastique et surnaturel ; il se creusa la tête pour y trouver une explication plausible ; il bâtit là-dessus un volume in-octavo de suppositions les plus extravagantes, les plus invraisemblables qui soient jamais entrées dans un cerveau malade. Après avoir longtemps cherché, ce qu’il rencontra de mieux, c’est que la chose était tout à fait inexplicable… à moins que ce ne fût le diable en personne… Cette idée, dont il se moqua d’abord lui-même, prit racine dans son esprit, et lui semblant moins ridicule à mesure qu’il se familiarisait avec elle, il finit par en être convaincu.

Qu’y avait-il au fond de déraisonnable dans cette supposition ? L’existence du diable est prouvée par les autorités les plus respectables, tout comme celle de Dieu. C’est même un article de foi, et Onuphrius, pour s’empêcher d’en douter, compulsa sur les registres de sa vaste mémoire tous les endroits des auteurs profanes ou sacrés dans lesquels on traite de cette matière importante.

Le diable rôde autour de l’homme ; Jésus lui-même n’a pas été à l’abri de ses embûches ; la tentation de saint Antoine est populaire ; Martin Luther fut aussi tourmenté par Satan, et, pour s’en débarrasser, fut obligé de lui jeter son écritoire à la tête. On voit encore la tache d’encre sur le mur de la cellule.

Il se rappela toutes les histoires d’obsessions, depuis le possédé de la Bible jusqu’aux religieuses de