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MADEMOISELLE DE MAUPIN.


VII


Dès qu’il fit jour chez Rosette, d’Albert se fit annoncer avec un empressement qui ne lui était pas habituel.

— Vous voilà, fit Rosette, je dirais de bien bonne heure, si vous pouviez jamais arriver de bonne heure. — Aussi, pour vous récompenser de votre galanterie, je vous octroie ma main à baiser.

Et elle tira de dessous le drap de toile de Flandre garni de dentelles la plus jolie petite main que l’on ait jamais vue au bout d’un bras rond et potelé.

D’Albert la baisa avec componction : — Et l’autre, la petite sœur, est-ce que nous ne la baiserons pas aussi ?

— Mon Dieu si ! rien n’est plus faisable. Je suis aujourd’hui dans mon humeur des dimanches ; tenez. — Et elle sortit du lit son autre main dont elle lui frappa légèrement la bouche. — Est-ce que je ne suis pas la femme la plus accommodante du monde ?

— Vous êtes la grâce même, et l’on vous devrait élever des temples de marbre blanc dans des bosquets de myrtes. — En vérité, j’ai bien peur qu’il ne vous arrive ce qui est arrivé à Psyché, et que Vénus ne devienne jalouse de vous, dit d’Albert en joignant les deux mains de la belle et en les portant ensemble à ses lèvres.

— Comme vous débitez tout cela d’une haleine ! on dirait que c’est une phrase apprise par cœur, dit Rosette avec une délicieuse petite moue.

— Point : vous valez bien que la phrase soit tournée exprès pour vous, et vous êtes faite à cueillir des virginités de madrigaux, répliqua d’Albert.

— Oh çà ! décidément, qui vous a piqué aujourd’hui ? est-ce que vous êtes malade que vous êtes si galant ? Je crains que vous ne mouriez. Savez-vous que, lorsque