Page:Gautier - Portraits du XIXe siècle, Poëtes et romanciers.djvu/285

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des eaux claires, des chants d’oiseaux. Il a fait, dans ses Contes du Bocage, de beaux mélanges de ce sentiment de la nature avec le sentiment plus mâle de son indignation contre les tyrans de 1793. Des herbages charmants, un pays admirable, et du sang dessus : voilà les Contes du Bocage. Plusieurs estiment qu’ils sont le chef-d’œuvre d’Ourliac. Je ne suis pas de ceux-là. Combien je leur préfère ces Contes enfantins et rustiques parmi lesquels je publierais certaines nouvelles dont je ne puis prononcer le nom sans éprouver une émotion sincère, et que je ne puis jamais lire sans pleurer de ces bonnes larmes cachées dans le meilleur coin de tout notre être. En voici quatre que je proclame hautement les perles de cet écrin, et qui sont en effet d’inimitables modèles de simplicité, de charme honnête et pur, de style délicat et classique : Manette, la Petite Loiseau, Tambour et Trompette, la Procession de Mazières. Ce dernier morceau est célèbre. Je ne pense pas qu’il soit possible de mêler plus harmonieusement les larmes et le rire, le sublime et le ridicule. Mazières est un petit, un tout petit village de la Touraine, et cette procession c’est celle de la Fête-Dieu. « Je veux être vrai et voici quelques détails qui vous aideront à concevoir cet ensemble villageois. La tunique des jeunes fleuristes était de grosse toile, et ce n’était, je crois bien, que des chemises dont on avait rogné les pans. Plusieurs de ces lévites laissaient voir, sous l’auguste vêtement, les deux jambes d’un pantalon de cotonnade rayée. L’un d’eux, gros garçon, grave et joufflu, déployait en haut de son aube un immense col de chemise serré par une cravate des dimanches, et qui entourait sa tête comme ce grand papier dont on enveloppe un bouquet. Que dirai-je de plus ? La dalmatique du cruciger, antique et flétrie,