Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/201

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tivement une matrone austère, à demi cachée dans ses voiles noirs, comme une parque de Michel-Ange.


II


Les Grecs avaient une expression particulière pour rendre d’un seul mot l’endroit central et important d’un pays ou d’une ville : ophtalmos (l’œil). N’est-ce pas, en effet, l’œil qui donne la vie, l’intelligence et la signification à la physionomie humaine, qui en exprime la pensée et séduit par son magnétisme lumineux ? Si l’on transporte cette idée de la nature vivante à la nature morte, par une métaphore hardie mais juste, n’y a-t-il pas dans chaque ville un endroit qui la résume, où le mouvement et la vie aboutissent, où les traits épars de son caractère spécial se précisent et s’accusent plus nettement, où ses souvenirs historiques se sont solidifiés sous une forme monumentale, de manière à produire un ensemble frappant, unique, un œil sur le visage de la cité ?

Toute grande capitale a son œil : — à Rome, c’est le campo Vaccino ; à Paris, le boulevard des Italiens ; à Venise, la place Saint-Marc ; à Madrid, le Prado ; à Londres, le Strand ; à Naples, la rue de Tolède. Rome est