Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/200

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pont des Arts se pencha toute vers la balustrade, et le tablier du pont se souleva ; un immense saut en arrière, exécuté avec l’ensemble et la prestesse de la peur, rétablit le plancher dans son équilibre, et les Parisiens de 1810 en furent quittes à meilleur marché que les Florentins de 1304.

Après cette catastrophe, le pont fut rebâti tout en pierre, et à peu près dans la forme qu’on lui voit aujourd’hui.

L’aspect général de Florence, contrairement à l’idée qu’on s’en fait, est triste. Les rues sont étroites ; les maisons, hautes, sombres de façades, n’ont point cette blanche gaieté méridionale qu’on s’attendrait à y trouver. Cette ville de plaisir, dont l’Europe élégante et riche fait sa maison d’été, a la physionomie maussade et rechignée ; ses palais ressemblent à des prisons ou à des forteresses ; chaque maison a l’air de se retrancher ou de se défendre contre la rue ; l’architecture, massive, sérieuse, solide, sobre d’ouvertures, a conservé toutes les défiances du moyen âge et semble toujours s’attendre à quelque coup de main des Pazzi et des Strozzi.

Ainsi, Florence, qu’on se figure couchée sous un ciel d’azur dans une draperie de blancs édifices et respirant avec nonchalance le lis rouge de ses armoiries, est effec-