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richard wagner

Au coucher du soleil, j’abordai à Tribschen à ce coin de terre béni, où j’ai passé depuis de si charmantes heures.

C’était une sorte de promontoire, très pittoresque, qui s’avançait dans le lac ; il n’y avait ni grille, ni porte ; le jardin n’avait pas de limites marquées et se prolongeait, à l’infini, sur les montagnes voisines. La maison était très simple extérieurement, grise avec un toit de tuiles sombres ; mais, dans l’intérieur d’un arrangement plein de goût et d’élégance, on sentait la main d’une femme.

Madame Wagner m’apparut au milieu de ses enfants, blonde, grande, gracieuse avec un beau sourire et les yeux bleus, doux et rêveurs. La sympathie qu’elle m’inspira dès le premier moment ne s’est jamais démentie ; notre amitié, déjà ancienne, n’a pas eu de nuage.

Cette soirée fut délicieuse : le maître montra un entrain, une gaîté, une verve incomparables. Je ne m’attendais pas à cette vivacité d’esprit, à ces saillies, à ces finesses de lan-