Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/168

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fait ; recommandez-vous à la sainte Vierge et tout ira bien ; la même chose m’est arrivée quand j’ai prononcé mes vœux. C’est un dernier effort du Malin. »

Deux sœurs me revêtirent de la robe noire de l’ordre et me passèrent l’étole blanche, et, me ramenant au chœur, jetèrent sur ma tête rasée le voile, linceul symbolique qui me faisait morte au monde et ne me laissait plus visible qu’à Dieu. Une légende pieuse que j’avais entendu raconter, affirmait que si l’on demandait au ciel une grâce sous les plis du voile funèbre, elle vous était accordée. Quand le voile m’enveloppa, j’implorai de la bonté divine la faveur de vous révéler mon amour après ma mort, si un tel vœu n’avait rien de coupable. Il me sembla, à je ne sais quelle joie intérieure et subite, que ma prière était exaucée, et j’en éprouvai un grand soulagement, car c’était là ma peine secrète, la pointe qui me piquait au cœur et me faisait nuit et jour souffrir comme une pointe de haire cachée sous les vêtements. J’avais bien renoncé à vous dans ce monde, mais mon âme ne pouvait consentir à garder éternellement son secret.

Vous raconterai-je mon existence au couvent ? Là, les jours suivent les jours, inflexiblement pareils. Chaque heure a sa prière, sa dévotion, sa tâche à remplir ; la vie marche d’un pas égal à l’éternité, heureuse d’approcher du but. Et cepen-