Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/169

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dant, ce calme apparent recouvre parfois bien des langueurs, des tristesses et des agitations. La pensée, quoique matée par la prière et la méditation, s’égare en rêverie. La nostalgie du monde vous prend. Vous regrettez la liberté, la famille, la nature ; vous songez au vaste horizon inondé de lumière, aux prairies étoilées de fleurs, aux collines avec leurs ondulations boisées, aux fumées bleuâtres qui montent le soir des campagnes, à la route où roulent les voitures, au fleuve que sillonnent les barques, à la vie, au mouvement, au bruit joyeux, à la variété sans cesse renaissante des objets. On voudrait aller, courir, voler ; on envie à l’oiseau ses ailes ; on s’agite dans son tombeau, on franchit en idée les hautes murailles du couvent, et la pensée revient aux endroits aimés, aux scènes d’enfance et de jeunesse, qui revivent avec une magique vivacité de détail. Vous arrangez d’inutiles plans de bonheur, oubliant que le verrou de l’irrévocable est désormais tiré sur vous. Les âmes les plus religieuses sont exposées à ces tentations, à ces souvenirs, à ces mirages que la volonté repousse, que la prière essaie de dissiper, mais qui n’en renaissent pas moins dans le silence et la solitude de la cellule, entre ces quatre murs blancs qui n’ont pour toute décoration qu’un crucifix de bois noir. Votre pensée, éloignée d’abord par la ferveur des premiers moments, me revenait plus fréquente et plus attendrie. Le regret