Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/238

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tienté, lui dit d’un air de dédain suprême : « Eh bien ! si elles sont crevées, vos deux rosses, on vous les payera ; » assurance qui rendit toute sa sérénité au brave Diamantopoulos.

Chaque soir la femme du guide, belle et robuste matrone qui eût pu remplacer la cariatide enlevée au Pandrosion et que supplée un moulage de terre cuite, venait demander si Stavros, son mari, n’était pas revenu avec ou sans le voyageur. Après la réponse invariablement négative, elle allait s’asseoir sur une pierre à peu de distance de l’hôtel, défaisait la natte blonde postiche qui cerclait ses cheveux noirs, dont elle secouait les mèches, se portait les ongles aux joues comme si elle eût voulu s’égratigner, poussait des soupirs de ventriloque et se livrait aux démonstrations théâtrales de la douleur antique. Ce n’est pas qu’au fond elle fût très touchée, car Stavros était un assez piètre sujet fort ivrogne, qui la battait quand il était gris, et rapportait peu d’argent au ménage quoiqu’il en gagnât assez à mener des étrangers en laisse ; mais elle devait aux convenances de manifester un désespoir suffisant. Une médisance qui n’était pas une calomnie l’accusait de faire consoler ses veuvages intermittents par un beau palikare à la taille de guêpe, à la fustanelle évasée en cloche, mesurant bien soixante mètres de fine étoffe plissée, à la calotte rouge dont la houppe de soie bleue lui descendait jus-