Page:Gautier - Tableaux à la plume, Fasquelle, 1880.djvu/244

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L’acide ronge les parties de métal mises à nu et creuse des tailles qui reproduisent exactement chaque trait dessiné par l’artiste. La morsure réussie, la planche est faite ; on peut la tirer, et l’on a l’idée même du maître, toute pétillante de vie et de spontanéité, sans l’intermédiaire d’aucune traduction. Chaque eau-forte est un dessin original ; que de motifs charmants, que d’intentions exquises, que de mouvements primesautiers a conservés cette rapide et facile gravure, qui sait immortaliser des croquis dont le papier ne garderait pas trace ! Mais, pour y réussir, il faut une décision de main, une sûreté de trait, une prescience de l’effet, que ne possèdent pas toujours des talents honnêtes et soigneux ; elle ne souffre pas les tâtonnements, les retouches, les repentirs. Le fini, le rendu extrême ne lui vont pas. Mais elle ne trahit jamais la naïveté de l’esprit ; elle comprend à demi-mot ; il lui suffit de quelques brusques hachures pour entendre et exprimer votre rêve secret.

Avec ses ressources, en apparence si bornées, elle a su fournir à Rembrandt les lumières tremblotantes, les pénombres mystérieuses et les noirs profonds dont il avait besoin pour ses philosophes et ses alchimistes cherchant le microcosme ; pour ses synagogues d’architecture salomonique, ses Christ ressuscitant des morts, ses paysages traversés d’ombres et de rayons, et toutes les fantasmagories de son